Episode 2 : La pensionnaire de trop

[Maria-Karla]

Maria-Karla reprit l'assiette et la cuiller et suivit Anastasia en-dehors des cuisines.
"C'est vrai que ce n'est pas ce qui se fait de mieux comme repas, murmura-t-elle. Mais d'un autre côté, nous sommes dans un couvent, pas au palais de Schönbrunn, et notre invitée est ici pour une retraite, pas pour une croisière gastronomique ... Si elle a déjà fait ce genre de retraite, elle doit s'attendre à ce que la nourriture ne soit pas très copieuse ni très raffinée ..."

[Anastasia]

Anastasia hocha la tête.
- Oui, et comme elle est ici pour plusieurs jours, on aura l'occasion de faire mieux de toute manière

[Maria-Karla]

"À commencer par notre gratin de légumes de demain midi ... Espérons que nous le réussirons. Au moins avec le livre de cuisine, ce sera plus facile, heureusement que sœur Maria-Alma nous a laissées l'emprunter."
Il fallait également espérer que les autres filles montreraient le même enthousiasme que Sophia à l'idée de préparer un gratin de légumes ... Maria-Karla ne savait pas trop à quoi s'attendre de la part de Frauke et Martina. Alexandra, pour sa part, ne dirait probablement rien de particulier et il ne serait pas facile de savoir ce qu'elle penserait ...
Oui, Alexandra. Elles ne devaient pas oublier qu'elles devaient la rejoindre après le dîner. Maria-Karla avait hâte de voir qui était la mystérieuse invitée du couvent, mais elles ne pourraient pas trop s'attarder auprès d'elle. Il ne serait sans doute pas poli de rester trop longtemps, de toute façon.

[Le créateur]

En sortant du réfectoire, les deux filles croisent les autres pensionnaires du groupe qui les regardent d'un air interrogateur. Eva souffle un rapide "ça va ? Rien de grave ?" puis continue son chemin pour aller s'installer à table.

Après avoir traversé la cour, Anastasia et Maria-Karla se retrouvent seules dans les couloirs vides, sombres et frais des dortoirs.

[Maria-Karla]

Pressée par le temps, Maria-Karla ne répondit à Eva que par un grand sourire qui se voulait rassurant, du genre "ne t'en fais pas, tout va bien".
Une fois seule dans les couloirs des logements avec Anastasia, elle lui glissa :
"Si on porte tous les repas de notre invitée pendant plusieurs jours, ça va paraître suspect ... Si on ne veut pas que tout le couvent l'apprenne, il faudrait peut-être trouver une excuse pour celles qui poseraient des questions. Par exemple, qu'une sœur est malade et qu'il faut que nous lui apportions ses repas ..."

[Anastasia]

- C'est une bonne idée, mais dans ce cas, il nous faudrait peut-être la complicité de Soeur Maria-Alma pour être plus crédible, tu ne penses pas ?
- C'est curieux... tu ne trouves pas étrange que ce soit justement à nous que l'on demande de prendre soin de l'impératrice ? Je veux dire: ce sont les soeurs qui devraient faire ça normalement. Tu n'as pas l'impression qu'il y a autre chose ? Soeur Maria Alma nous a dit que c'était parce qu'lle avait confiance en nous, mais... On dirait que l'on veut nous éprouver, nous tester. Penses-tu réellement que soeur Maria Alma a réellement oublié de nous prévenir ? Elle l'a fait au dernier moment. Ca semble fait exprès...
Mais ce qu'Anastasia n'osait pas dire, c'est que même si elle sentait son coeur battre un peu plus fort en cet instant, elle n'aurait laissé pour rien au monde sa place à qui que se soit. Elle appréciait beaucoup Soeur Maria- Alma malgré les mystères qui l'entouraient et sa confiance l'honorait au plus au point.

[Maria-Karla]

"C'est vrai que je n'avais pas vu ça comme ça ... Maintenant que tu m'en parles, j'aurais trouvé plus logique que ce soit les religieuses, ou peut-être les novices du couvent, qui soient chargées de s'occuper de l'invitée ... Surtout que sœur Maria-Alma, et sans doute les autres aussi, semblent tenir à ce qu'aucune autre élève ne soit au courant, pour ne pas créer de jalousies ou risquer d'importuner l'invitée ..."
Elle baissa encore un peu la voix.
"Ou peut-être qu'on nous a chargées de s'occuper d'elle pour nous empêcher de nous intéresser à autre chose ... Au livre, par exemple ..."

[Anastasia]

- Tu crois que c'est pour détourner notre attention ? On nous ferait faire tout celà uniquement pour éviter que l'on lise ce livre ?

[Maria-Karla]

"Je n'en sais rien ... C'est peut-être moi qui délire, au fond. J'en viens presque à me demander si cette histoire avec le livre n'était pas qu'un rêve ..."
"Mais chut !... Nous allons arriver à la chambre de notre invitée, il vaudrait mieux arrêter de bavarder ..."

[Le créateur]

Une fois que les deux jeunes filles arrêtent de se parler, leurs pas semblent résonner plus fort dans le couloir du deuxième étage. Comme l'avait annoncé sœur Maria-Alma, les portes sont toutes entrouvertes, sauf une seule sous laquelle se glisse une douce lueur.

[Anastasia]

Arrivée devant la porte, Anastasia se retourne vers sa camarade et hésite à franchir le pas. Elle allonge le bras mais n'ose pas frapper à la porte. Elle sait qu'elle va rencontrer l'impératrice et sent son coeur s'accélerer.

[Maria-Karla]

Voyant l'hésitation de sa camarade, Maria-Karla murmura :
"J'ai l'assiette de soupe dans les mains, moi ... Il vaut mieux que ce soit toi qui frappes."
Maria-Karla regarda la porte en se demandant qui pouvait bien se trouver derrière. Était-ce bien l'impératrice ? Une invitée d'un si haut rang, et son service était confié à deux nouvelles élèves, bien plus susceptibles que les sœurs de commettre un impair ?... Anastasia avait raison : il y avait quelque chose d'étrange là-dessous ... ou peut-être n'était-ce pas vraiment l'impératrice, mais une autre dame, noble mais moins importante qu'une souveraine ?

[Anastasia]

Anastasia prit son courage à deux mains et frappa deux coups à la porte.

[Le créateur]

Les deux coups à la porte sont répétés en un long écho dans le silence du couloir. Les deux pensionnaires voient des ombres se déplacer sous la porte, puis le loquet est actionné et l'intérieur de la pièce se dévoile : une jeune femme souriante, blonde, les cheveux tressés et noués derrière la tête, accueille Maria-Karla et Anastasia. Si c'est l'impératrice, elle est exceptionnellement bien conservée car elle ne semble pas avoir bien plus d'une vingtaine d'années. Elle lance un rapide et doux "Bonsoir" puis regarde les objets que tiennent les deux pensionnaires.

[Maria-Karla]

Maria-Karla eut du mal à ne pas exprimer sa surprise face à l'invitée.
Non ... ça ne doit pas être l'impératrice. Il me semble que l'impératrice est plus âgée ... Peut-être une de ses sœurs ou de ses cousines ?
Maria-Karla ne se souvenait pas quelles étaient les sœurs ou les cousines de l'impératrice. Elle se promit d'y faire attention si sœur Maria-Alma en parlait au cours de l'une de ses leçons ... mais ce n'était pas le plus important à présent.
Elle esquissa une gracieuse révérence, l'assiette de soupe entre les mains.
"Bonsoir, madame ... Voici votre souper."