Episode 4 : La Tête du serpent

[Le créateur]

Mardi 3 novembre 1740.

L'hiver s'était déjà bien installé et la neige était omniprésente. Même la cour, malgré le passage des pensionnaires, restait couverte d'un blanc immaculé qui donnait au couvent une impression de pureté, une pureté qui cachait les pratiques impies qui imprégnaient même les murs du bâtiment.

Maria-Théresa n'était plus repassée au couvent, mais cela ne permettait pas de conclure à une quelconque victoire. Les sœurs pouvaient parfois quitter le couvent et les trois pensionnaires ne pouvaient que craindre pour sa sécurité. Pendant les quelques semaines qui s'étaient écoulées, les filles avaient pu se parler, se confier et nouer des liens un peu plus serrés. Elles étaient pratiquement les seules en qui elles pouvaient avoir confiance.

La sœur Maria-Alma, à son habitude semblait ignorer tout des intrigues du couvent.

Mais les trois filles, elles, pouvaient le sentir dans l'air, le temps arrivait où il faudrait passer à l'action. C'était dans l'atmosphère, elles le sentaient, mais cette sensation était aussi en train de pulser dans leurs veines. Quelque chose en elles les poussaient à agir, comme si une conjonction stellaire allait dévoiler d'importants événements, bientôt, très bientôt.

Un groupe du deuxième étage était en train de se regrouper pour préparer le repas de midi. Pour le deuxième étage, c'était un temps libre.

[Maria-Karla]

Maria-Karla frissonnait, pas tant de froid que d'angoisse. Depuis leur escapade nocturne avec Maria-Theresa, elle se demandait si la nouvelle impératrice faisait quelque chose pour elles ; mais elle n'avait guère d'espoir, Maria-Theresa ayant dit elle-même qu'elle ne pouvait rien faire. Elles ne pouvaient compter que sur elles-mêmes, et ce n'était pas grand-chose.
Après la nuit, elle avait tenté de raconter à nouveau à Deborah ce qu'elle savait sur les activités secrètes de certaines religieuses. Ce qui l'avait amenée à réaliser encore une fois qu'elle ne savait pas grand-chose, il y avait trop de questions en suspens et rien pour lui apporter des réponses. Tout ce qu'elle savait, c'était que bientôt il allait encore falloir se battre pour préserver leurs vies à toutes les trois.
Elle se réfugia dans le couloir du deuxième étage, à la fois pour éviter le froid de dehors et pour se retrouver à peu près seule. Elle referma la main sur son médaillon et se souvint d'une chanson d'Adrien qui évoquait étrangement bien la situation.
Dans l'air je peux le sentir venir ce soir, mon Dieu ...
J'ai attendu ce moment toute ma vie, mon Dieu ...
C'était une des rares chansons d'Adrien qui ne la réconfortait pas ... Elle se souvint que les paroles racontaient une sombre histoire de vengeance ...
Et si tu me disais "Je me noie"
Je ne te tendrais pas la main
J'ai déjà vu ton visage avant, ami
Mais je ne sais pas si tu sais qui je suis
Mais j'étais là et j'ai vu ce que tu as fait
Je l'ai vu de mes propres yeux
Alors tu peux effacer ce sourire, je sais où tu étais
Ce n'était qu'un tissu de mensonges ...

[Anastasia]

Anastasia se demandait comment les choses allaient tourner. Elle se rendait compte que personne ne pourrait les secourir de l'extérieur et qu'elles devraient faire face seules aux pratiques obscures des soeurs du couvent. Elle sentait que les choses ne pouvaient en rester là et que la situation pouvait se précipiter d'un jour à l'autre. Mais auraient-elles autant de chances que les fois précédentes ?

[Deborah]

Je réfléchis seule dans ma chambre aux récents événements. Comme pour vérifier quelque chose, je fais apparaître quelques flammes dans ma main puis les éteint.

"... ça a sans doute un rapport avec ce qui se passe ici... Il va falloir trouver des réponses..."

[Le créateur]

Maria-Karla sentit son médaillon vibrer et la douce voix d'Adrien lui parvint aux oreilles :
- Réunis vite tes camarades, il est temps, je viens de me réveiller...

Puis le contact se rompît et elle se retrouva à nouveau seule dans le couloir.

Anastasia, non loin de là, sentit dans sa main le contact froid et rassurant de son sabre. Pourtant ce dernier ne s'était pas matérialisé. Elle sentait qu'il la tirait vers le couloir du deuxième étage, vers Maria-Karla plus exactement. Comment savait-elle cela ? Elle n'en avait aucune idée, mais elle était sûr que c'était le cas.

Une flamme apparut entre les doigts de Déborah puis disparut dès qu'elle referma la main. Elle joua à ce cache-cache plusieurs fois, quand soudain, la flamme se mît à danser, puis prît, sans que la pensionnaire n'intervienne, la forme d'un visage humain. Elle put reconnaître sa camarade, Maria-Karla. Le visage de feu ouvrit la bouche et un chuchotement se fit entendre :
- Viens... Rejoins-moi...
Après quoi la flamme reprit sa forme habituelle.

[Maria-Karla]

"Adrien ?... Où es-tu ? Adrien !"
Maria-Karla avait parlé à voix haute dans le couloir, peut-être même crié, mais cela ne lui semblait d'aucune importance.
"Je viens de me réveiller" ... Que veux-tu dire ?
Elle regarda autour d'elle en se demandant où pouvaient être les autres.

[Anastasia]

Curieusement, les sensations que ressentait Anastasia semblait l'attirer vers son amie. Elle se mit en devoir d'aller la trouver tout de suite afin de lui en parler.

[Deborah]

Je regarde ma main quelques instants comme je regarderais un parfait étranger.

"... Je suppose que j'ai déjà vu plus étrange..."

Je soupire puis je me dirige sans me presser vers la chambre de Maria-Karla.

[Maria-Karla]

Maria-Karla descendit à la recherche de ses camarades, tout en essayant de reprendre contact avec Adrien.
Que signifie "je viens de me réveiller" ? Explique-moi ... Tout ça me fait si peur ...

[Le créateur]

Les trois filles se retrouvèrent devant la chambre de Maria-Karla. Cette dernière était encore devant sa porte, réfléchissant au sens des mots d'Adrien. D'un côté, elle pouvait voir Anastasia remontant les escaliers et de l'autre, Déborah qui sortait de sa chambre et se rapprochait. Les trois filles pour voir dans les yeux des deux autres une grande marque de complicité. Elles savaient qu'elles devaient se réunir et que les autres le savaient aussi.

[Maria-Karla]

Maria-Karla fut soulagée de voir arriver les deux autres. Ainsi elle n'avait pas à les chercher. Même si elle ne savait pas ce qui allait se passer à présent, au moins étaient-elles toutes ensemble.
"Venez, entrons dans ma chambre, il vaut mieux discuter au calme ..."
Elle fit entrer ses deux camarades dans la chambre et referma la porte.
"En fait, je ne sais pas exactement ce qui se passe. Commençons par le commencement : Deborah, je ne t'ai pas encore parlé d'Adrien mais je crois qu'à présent il le faut ..."
Elle sortit son médaillon de dessous sa robe et l'ouvrit pour dévoiler le portrait d'Adrien à Deborah.
"Il est français et c'est le premier domestique de ma tante. Mais ... c'est aussi l'homme que j'aime. Les maléfices des sœurs hérétiques ont au moins eu un avantage, le seul à mes yeux : j'ai plus ou moins le pouvoir de communiquer avec Adrien grâce à mon collier. Là, il y a quelques minutes, il m'a dit qu'il vient de se réveiller mais je n'ai aucune idée de ce que cela signifie ... tout ce que je sais, c'est que c'est suffisamment important pour que cela nous réunisse toutes ..."
Elle referma son médaillon. Malgré tout ce qu'elle avait vécu au couvent, les liens qui l'unissaient à Adrien restaient plus forts que ceux qui la rapprochaient d'Anastasia et de Deborah, et elle ressentait comme de la pudeur à l'idée de dévoiler son portrait trop longtemps.
"Maintenant que nous sommes toutes là, je vais essayer de le rappeler. Peut-être que grâce à ce lien mystérieux qui nous unit, il a découvert quelque chose au sujet de ce couvent ?"

[Anastasia]

Anastasia entra et écouta Maria Karla parler enfin d'Adrien de manière plus claire. Elle enviait quelque part son amie d'avoir une telle complicité et de tels sentiments pour une autre personne.
Mais lorsqu'elle proposa de l'appeler, elle en resta bouche bée.

[Deborah]

"Et... en quoi est-ce que ton Adrien peut nous aider ?
Non pas que je sois particulièrement sceptique mais j'avoue que je ne comprends toujours pas ce qui se passe et cela me contrarie très fortement.
Cet Adrien, c'est un sorcier, lui aussi ?"

[Maria-Karla]

"Adrien n'est pas un sorcier !"
Maria-Karla répliqua vivement, vexée qu'on puisse penser une telle chose.
"En fait, il n'aurait jamais dû être impliqué là-dedans ... Pour une raison que j'ignore, le mauvais sort de ce couvent qui nous a donné des pouvoirs a également affecté Adrien par mon intermédiaire ... Depuis, j'ai toujours fait en sorte qu'il se tienne à l'écart de tout cela, mais il semble décidé à prendre des risques pour moi."
"Quoi qu'il en soit, nous ne risquons rien si je l'appelle. Adrien m'a toujours protégée, et c'est la personne en qui j'ai le plus confiance."
Et si jamais je ne pouvais plus lui faire confiance, alors autant que le monde s'écroule ... Car il ne s'y trouverait alors plus aucun espoir pour moi.
Maria-Karla se concentra à nouveau et pensa très fort à Adrien.
Adrien, ça y est, nous sommes toutes là ... Maintenant dis-moi ce qui se passe ...

[Anastasia]

- Tu sais, si on est un de plus impliqué, celà ne nous fera pas de tort: nous ne sommes pas beaucoup, un de plus celà ne peut que nous être bénéfique et puis... j'aimerais bien que tu nous le présente... Anastasia s'intérrompit en voyant Maria Karla se concentrer.