Episode 2 : La pensionnaire de trop

[Le créateur]

Personne ne remarqua l'échange d'enveloppe. La sœur revint se positionner derrière le cortège qui reprit sa progression d'un pas un peu plus rapide. Serpentant toujours entre les bâtiments de la ville, le couvent arriva devant une cathédrale. Pour toute personne n'ayant jamais mis les pieds dans une ville conséquente, il s'agissait plus d'un monstre que d'un bâtiment. Les décorations gothiques, bien que toujours d'actualité donnaient un air menaçant à la porte d'entrée.

L'intérieur, démesurément grand pour l'usage hebdomadaire qui en était fait, donnait une impression de vide et de vertige, le toit, plusieurs dizaines de mètres au dessus, semblait fuir le regard et se tordre pour faire choir toute personne tentant de le fixer des yeux. des bancs en bois constituaient de nombreuses rangées dont la majorité, hormis les premiers rangs, étaient déjà occupées par des habitants locaux. Petit à petit, en commençant par celles à l'avant, les pensionnaires vinrent occuper les places vides, se regroupant comme du bétail sentant le loup approcher.

(HRP : Kadnax, oublie pas l'action annexe d'Anastasia )

[Anastasia]

Anastasia était toujours impressionnée par l'architecture imposante de la cathédrale. Elle ne s'y ferait jamais. Elle avait donné la lettre à Maria-Karla tout en se demandant à qui elle allait bien la donner à son tour.

[Maria-Karla]

Maria-Karla n'osa rien répondre à Anastasia, partagée entre la nécessité de lui expliquer son plan et le désir de garder le secret. Heureusement, sa camarade n'insista pas et elle prit simplement la lettre pour la cacher dans une de ses poches, remettant à plus tard le moment des explications.
Arrivée dans la cathédrale, elle essaya de ne pas se laisser distraire par l'impressionnante architecture, et chercha du regard la douzième rangée à gauche, en s'en approchant l'air de rien et en priant pour que ce ne soit pas trop loin de l'endroit où les autres filles s'asseyaient.

[Le créateur]

Si Maria-Karla ne s'était pas trompée, la douzième rangée était en réalité la dernière réservée au couvent. Les deux jeunes filles s'y dirigèrent et prirent position sur les bancs. Dans quelques minutes, la cérémonie allait débuter et l'église toute entière semblait vouloir faire preuve de révérence avant que l'évêque ne prenne la parole. Pendant ce petit laps de temps, les filles purent remarquer qu'une toute petite porte en bois, logée entre deux colonnes de pierre, à quelques pas de leur banc, était entrouverte.

Toute l'assemblée baissa la tête et ferma les yeux pour entendre la prière d'ouverture.

[Maria-Karla]

Dès qu'elle vit la porte entrouverte, Maria-Karla s'arrangea pour se placer au plus près de celle-ci, si possible en bout de banc. Elle se demanda d'abord si elle devait y aller ou si Adrien allait en sortir.
Mais quand elle vit tout le monde se recueillir pour la prière, elle comprit que c'était le moment. Elle vérifia d'abord que ses voisines immédiates avaient bien les yeux fermés, puis se dirigea vers la petite porte d'un pas léger, ses souliers effleurant à peine les dalles de l'église.

[Anastasia]

Anastasia ouvrit les yeux et vit Maria-Karla s'éloigner. Elle tenait à voir comment elle allait faire et elle voulait surtout savoir à qui elle allait remettre l'enveloppe. Elle regarda discrètement autour d'elle afin de vérifier que personne n'avait vu Maria-Karla se déplacer.

[Le créateur]

Maria-Karla se faufila vers la porte entrouverte et Anastasia put constater que personne ne regardait dans leur direction, les têtes trop concentrées vers le sol.

De l'autre côté de la petite porte, Maria-Karla découvrît une toute petite pièce qui devait probablement service de salle de préparation. Les ornementations étaient bien moins présentes que dans le reste du bâtiment. Une table de bois reposait contre un mur, à l'opposé de laquelle une alcôve était taillée, cernée d'une rainure simple et dans laquelle aucune statue n'était présente, signe que la pièce n'avait jamais vraiment été terminée ou qu'elle était plus vieille que la nef principale et que la statue avait été déplacée vers une partie plus "publique".

La pensionnaire pût sentir son cœur s'accélérer alors que devant elle, se tenait la fameuse silhouette encapuchonnée qui l'avait bousculée un peu plus tôt. Cette dernière abaissa sa capuche pour dévoiler le visage d'un Adrien souriant, bien que marqué par une certaine fatigue :
- J'espère que tu m'excuseras pour tout à l'heure, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour pouvoir te contacter sans éveiller les soupçons des sœurs.

Pendant ce temps, dans la nef, Anastasia pût entendre la prière, qui, comme d'habitude pour le dimanche, était en latin, et tout à fait classique, parlant de Jésus, du Père ou de la vierge Marie, selon le cas. Personne ne semblait payer attention à l'absence de sa camarade. En se penchant discrètement, elle pût entrevoir le personnage qui les avait bousculées quelques instants plus tôt, mais il lui était impossible de saisir la moindre bribe de discussion.

[Maria-Karla]

"Adrien ..."
Ne pouvant cacher sa joie de le revoir, Maria-Karla remarqua cependant qu'il la tutoyait alors qu'il l'avait toujours vouvoyée. Mais au fond, c'était de circonstance : en ce moment, ils étaient si proches ...
"Tu as pris de gros risques pour venir ici ... Que se passe-t-il ?"

[Anastasia]

Anastasia se retint de pousser un cri de surprise en constatant que la personne avec laquelle Maria-Karla s'entretenait n'était autre que celle qui l'avait bousculée.
Ce qui la surprenait encore pluis, c'était que Maria Karla semblait bien la connaître.
Elle fut tout à coup très inquiete pour sa camarade: et si quelqu'un la surprenait ?

[Le créateur]

Adrien esquissa un sourire aux paroles de Maria-Karla.

- C'est amusant de t'entendre parler de risques, après tous ceux que tu as pris dernièrement. On dirait plutôt que tu es devenue la reine du danger et de l'évasion, non ?

Réalisant qu'on pouvait le voir depuis la nef, il se décala sur le côté, se retrouvant abrité par la porte.

- Je ne pouvais plus supporter de devoir me contenter de tes rapides visites.

Maria-Karla sentit qu'Adrien avait buté sur ce dernier mot. Je crois que ta tante a des soupçons.

- Quand j'étais malade, dans mon délire, j'ai dû parler de toi parce qu'elle est devenue de plus en plus sévère, elle me parle de moins en moins et ne me laisse plus sortir, même pour l'accompagner.

Probablement de nervosité, Adrien lissa d'un geste rapide le pan de son manteau.

Anastasia vit la silhouette disparaître derrière la porte juste après avoir rapidement croisé son regard. C'était un homme, elle en était sûre, et dans ses yeux, elle avait retrouvé l'étrange lueur bleuté qui semblait plus que jamais hanter les deux pensionnaires. (HRP : Maria-Karla, elle, n'a pas vu cette lueur.) A la fin de la prière, sentant un lourd regard se poser sur elle, Anastasia se tourna de l'autre côté pour y croiser, quelques places plus loin, l'attention de Martina qui semblait, derrière son expression de surprise et d'incompréhension, se demander pourquoi sa camarade était si captivée par une porte en boîte, manquant terriblement de finition à côté du reste du bâtiment de surcroit. Frauke, elle, semblait prise dans une transe mystique, gardant les yeux rivés vers l'autel et les mains jointes, comme si elle avait peur devoir les écarter l'une de l'autre. Elle remuait aussi les lèvres, chuchotant une prière que seuls Dieu et elle devaient entendre, et encore, ce premier était probablement trop occupé pour y prêter une quelconque attention.

[Maria-Karla]

Maria-Karla se mit à rire doucement à la première remarque d'Adrien. C'était bien lui, ça ... Voyant qu'elle aussi était un peu près de la porte, elle s'en écarta, en la poussant légèrement du pied si elle était encore à sa portée.
En entendant parler de la sévérité de sa tante, elle changea cependant de mine et baissa les yeux.
"Tu sais ... avant même qu'elle ne m'envoie au couvent, j'avais cru comprendre qu'elle n'approuvait pas que nous soyons proches ... Mais pourquoi ? Nous n'avons ... rien fait de mal ..."
Mais le terme de "visite" sur lequel Adrien avait buté lui remit en tête l'histoire du médaillon. Est-ce que de son côté, Adrien avait senti quand elle l'avait appelé ? Si elle le lui demandait, peut-être la croirait-il folle ... mais il fallait qu'elle sache.
Elle lui dit en murmurant, comme si les murs épais de la cathédrale ne suffisaient pas à cacher un tel secret :
"Adrien ... lorsque je t'ai appelé ... m'as-tu entendue ?..."

[Le créateur]

Maria-Karla essaya de pousser la porte, mais sentant celle-ci lui résister, elle se ravisa, un grincement de gonds en pleine cérémonie serait plutôt mal venu.

- Je ne sais pas trop ce qui a pu la contrarier, elle m'a juste dit qu'elle avait peur que je sois une mauvaise influence et que je te pousse à prendre les mauvaises décision...

Adrien marqua un air de doute en entendant la question de la jeune-fille.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?... Tu veux parler de la première fois ? Celle où tu m'as demandé mon aide ?

[Anastasia]

Anastasia eut un choc en voyant la lueur bleutée.
Quel était donc cet homme avec qui Maria Karla parlait ? Une légère angoisse s'empara d'elle. C'est à ce moment là qu'elle vit que Martina la regardait. Son attitude avait dû attirer son attention. Elle se força à regarder vers l'autel tout en essayant de prendre un air naturel. Mais trop de questions se bousculaient dans sa tête et elle sentait que Maria-Karla lui cachait quelque chose d'important.

[Maria-Karla]

Maria-Karla secoua légèrement la tête et se demanda comment elle allait pouvoir raconter ce qui lui était arrivé.
"Adrien, tu vas peut-être me croire folle ... et je me demande d'ailleurs si je ne vais pas finir par le devenir. Il y a tellement de choses étranges qui me sont arrivées depuis que je suis dans ce couvent ..."
Elle était sur le point de raconter toutes les étranges aventures qui lui étaient arrivées, puis elle se ravisa. Trop long pour le temps qu'ils avaient, et sans doute trop étrange pour être dévoilé aussi vite ... Il lui fallait s'en tenir à ce qui concernait uniquement elle et Adrien, mais elle brûlait cependant d'envie de se confier à lui pour le reste.
"Je suis désolée, Adrien, je crois que c'est à cause de moi que tu es tombé malade ... Je souffrais moi-même, j'appelais à l'aide, et une force m'est venue tout droit du collier que tu m'as offert, celui avec ton portrait. Plus tard - ne me demande pas comment - j'ai eu une vision, je t'ai vu malade avec ma tante à ton chevet, et j'ai su que c'était à cause de moi ... J'ai cru à un cauchemar, avant que ma tante ne m'écrive pour dire que tu avais été malade."
Elle sentit une larme venir au coin de son œil et ne put s'empêcher de prendre la main d'Adrien.
"Pardonne-moi, je ne le referai plus ... Je ne sais pas comment c'est possible, quel est ce lien mystérieux qui nous unit, mais je jure devant Dieu que tu ne souffriras plus jamais à cause de moi ..."

[Le créateur]

Aux paroles de Maria-Karla, Adrien se mit petit à petit à sourire. Il s'avança vers elle alors qu'elle sentait son cœur s'accélérer à chacun de ses pas. Il posa une main réconfortante sur l'épaule de la jeune fille :

- Pourquoi t'excuses-tu d'avoir accepté mon aide ? Crois-tu que j'aurais accepté de t'abandonner ? Etre malade est une bien piètre douleur comparée à la tristesse de te voir souffrir. Promets-moi plutôt que tu ne me laisseras pas en simple spectateur et que tu feras appel à moi à chaque fois que tu en auras besoin.

Adrien déglutît et sembla douter.

- Je ne comprends pas quel rôle ce collier peut jouer, à ma connaissance, ce n'est qu'un cadeau de ta tante... Rassure-moi, c'est bien toi qui es venue me voir chez ta tante. Tu sembles éviter systématiquement le sujet...

Anastasia pouvait voir la messe se dérouler normalement, et apparemment, personne ne prêtait plus attention à elle. Elle pût cependant remarquer à plusieurs reprises quelques sœurs se retourner dans sa direction. Ce qui était étrange, c'était qu'elle n'avait de rapport particulier avec aucune d'entre elles.