Episode 2 : La pensionnaire de trop

[Maria-Karla]

Maria-Karla fut contente de se réveiller en forme, contrairement à la veille.
"Bonjour, Adrien" murmura-t-elle juste au lever, en ouvrant son médaillon.
Puis elle le remit sous ses vêtements, se leva, arrangea ses cheveux et choisit une robe. Pour une fois qu'elle sortait, elle pouvait faire un petit effort de présentation.
Tiens, au fait, c'est bizarre ... Alexandra n'a pas l'air du genre à être coquette, alors pourquoi a-t-elle changé de vêtements hier soir ?

[Le créateur]

Toutes les pensionnaires descendaient pour la prière du matin puis pour le petit-déjeuner. Tout se passa comme un jour quelconque, hormis pour la fin du repas à laquelle la mère supérieure prit la parole :
- Je vous rappelle que c'est aujourd'hui le jour du seigneur. Faites honneur au couvent et à vous-même. Vous êtes autorisées à porter les joailleries de vos familles, mais évitez tout excès ostentatoire. Vous êtes et vous restez des jeunes filles chastes. Le seigneur ne saurait tolérer de ses brebis qu'elles provoquent les loups. Rendez-vous dans deux heures devant la grande porte et deux par deux. En attendant, hormis le groupe de préparation du repas de midi, vous avez du temps pour vous préparer.

Alors qu'elle prononçait son discours, la mère supérieure avait fixé du regard plusieurs pensionnaires, d'une manière suffisamment insistante pour leur permettre de comprendre qu'elles étaient effectivement concernées par les propos évoqués. Maria-Karla et Anastasia pouvaient souffler, ayant échappé à ces agressions, certainement plus oppressantes que toutes les menaces de punition infernale que l'on aurait pu proférer à une jeune fille de ces âges.

Les pensionnaires commencèrent à se disperser, retournant pour la plupart vers les chambres pour peaufiner leur apparence.

[Maria-Karla]

Après le sermon de la mère supérieure, Maria-Karla proposa immédiatement à Anastasia d'être son "binôme" pour la sortie. Après tout, cette sortie était l'occasion de faire quelque chose d'important qu'elles étaient les seules à pouvoir faire. Si du moins elles y arrivaient ... Au moins, l'attention de la mère supérieure n'était pas focalisée sur elles, c'était déjà ça de gagné.
Elle retourna ensuite dans sa chambre mais ne changea pas grand-chose à sa tenue. Ce n'était pas le moment d'attirer l'attention. Son médaillon, qu'elle pensa un instant laisser sortir pour une fois, resta sous la robe pour ne pas déclencher de remarques, et elle se contenta d'épingler à sa robe une petite broche, qui avait autrefois appartenu à sa mère.

[Anastasia]

Anastasia accepta d'être le "binôme" de Maria Karla. Une fois revenue dans la chambre,elle s'admira dans la glace. Elle était fière de la robe qu'elle portait: son père lui avait achetée juste avant d'entrer dans ce couvent et elle n'avait pas encore eu beaucoup d'occasion de la porter: les autres dimanches elle avait porté sa "robe du dimanche" habituelle, jolie, mais toutefois assez banale. Mais elle sentait que cette journée allait être vraiment spéciale. Elle avait donc décidé de mettre sa robe neuve, la plus jolie. Elle savait qu'elle risquait d'attirer un peu plus l'attention et ce n'était pas vraiment le moment, mais elle en ressentait l'envie, le besoin, et puis... elle possédait une petite poche intérieure discrète et bien pratique dans laquelle elle plaça l'enveloppe de la lettre.

[Maria-Karla]

Maria-Karla prit tout son temps pour sortir, même si elle n'avait pas grand-chose à faire pour se préparer. Si elles se retrouvaient au milieu du groupe, elles n'avaient aucune chance de s'en écarter sans se faire remarquer, tandis qu'en fin de cortège, ce serait plus facile. Elle en profita pour admirer à nouveau son médaillon, tout autant que la lueur étrange qu'il dégageait et à laquelle elle essayait tant bien que mal de s'habituer ...
Puis elle se demanda comment les "couples" allaient se former, du moins pour les filles qu'elle connaissait. Pour Frauke et Martina, la princesse prétentieuse et sa timide servante, c'était évident. Restaient Eva, Alexandra et Sophia : elles étaient trois ... est-ce que l'une d'entre elles allait se retrouver sans camarade ?
(Juste pour info : est-ce que Frauke semblait dans le collimateur de la mère supérieure quand elle a fait son sermon, ou est-ce qu'elle visait complètement quelqu'un d'autre ?)

[Le créateur]

(HRP : Maria-Karla ne connait personnellement aucune des filles visées par la mère supérieure, mais l'une d'entre elles portait un décolleté, ce qui pourrait expliquer l'agression.)

Alexandra n'étant pas là pour l'instant, Eva et Sophia se mirent naturellement ensemble. Les groupes se formaient rapidement et certaines filles semblaient gonflées d'orgueil à l'idée de défiler en ville une fois de plus.

La procession finît par prendre sa forme définitive et le ver de jeunes filles se traina difficilement hors du couvent par la grande double porte d'entrée. De l'autre côté de l'enceinte, des passants s'étaient postés pour regarder le spectacle. Mais ceci semblait très secondaire à côté d'un détail qui frappa Anastasia et Maria-Karla : A quelques mètres du mur, en pleine rue, un voile bleuté entourait tout le bâtiment. Ceci expliquait probablement l'aspect particulièrement coloré du ciel les précédents jours. Une demi-sphère bleuté recouvrait le couvent, signe que quelque chose agissait dessus. Mais comment et en quoi ? Le mystère restait entier. Comme elles pouvaient s'y attendre, Maria-Karla et Anastasia purent entendre Eva éternuer alors qu'elle franchissait ce voile. En queue de procession, la soeur "cerbère" ferma la porte et vint se placer quelques mètres derrière les deux filles, pouvant ainsi surveiller tout le convoi.

[Maria-Karla]

Le voile bleuté qui entourait le couvent impressionna Maria-Karla. Si elle avait vu une telle chose le jour où elle avait fait son entrée au couvent ... elle se serait probablement sauvée dans la direction opposée.
Qu'est-ce que c'est ? Le sortilège dont les sœurs parlent dans toutes leurs prières et qui protège le couvent ... mais de quoi tiennent-elles tant à se protéger ? Est-ce pour cacher l'existence de l'autre église ? Ou y aurait-il autre chose ?
Elle fit signe à Anastasia de regarder et lui souffla :
"Ce couvent n'est vraiment pas un couvent ordinaire ... Quelque chose d'énorme s'y cache, quelque chose qui a sûrement un lien avec l'autre église et la colonne de lumière ... Nous allons devoir vite découvrir ce que cette chose dans la colonne cherche à faire avec les élèves, ou peut-être ... qu'il y aura une catastrophe ..."
Lorsqu'elle entendit Eva éternuer, elle ajouta tout doucement :
"C'est étrange comme certaines d'entre nous réagissent aux sortilèges : Eva tombe malade en leur présence, Alexandra y est insensible ... Comment se fait-il que personne n'ait découvert les secrets de ce couvent avec ça ?"
Elle n'en dit pas davantage, de plus en plus mal à l'aise. Se rendre compte qu'elle avait séjourné pendant des semaines sous cette coupole maléfique sans le savoir, et plus encore qu'elle allait y retourner pour un bon moment, lui donnait des frissons. Même leur futur "écart" et la lettre si importante pour Maria-Theresa semblaient d'une futilité sans nom à côté.

[Anastasia]

Quand Anastasia vit le voile, elle fut stupéfaite. Elle regarda les autres élèves puis la soeur qui était derrière elles.
- Je n'ai jamais vu ce voile avant, et on dirait que nous sommes les seules à le voir.
Anastasia partageait les craintes de sa camarade, mais la surprise l'emportait pour le moment sur la crainte.
- Mais chaque chose en son temps: nous devons nous ocuper de la lettre. Ensuite, nous verrons bien.
Elle regarda à nouveau ses camarades afin d'y voir un changement dans leur comportement.

[Le créateur]

En recherchant un changement de comportement chez ses camarades, Anastasia finît par remarquer qu'elle ne trouvait Alexandra nulle part. Hormis cela, toutes les pensionnaires semblait agir le plus naturellement possible, même à la traversée de ce voile. Signe qu'il ne devait pas présenter un danger direct.

La procession progressa dans la quartier et les premières dix minutes servirent à rejoindre le centre ville. Les rues, héritées de la construction moyenâgeuse de ce qui devait être à l'époque une petite bourgade, étaient sinueuses et foisonnaient de petits recoins un peu partout. Les passants s'écartaient pour laisser passer les demoiselles, souvent en se signant et toujours avec un profond respect dans le regard. Pour la plupart en tout cas, parce que l'un d'eux, un homme encapuchonné qui ne désirait apparemment pas être reconnu doubla le cortège au pas de course et au passage bouscula Maria-Karla de l'épaule. Cette dernière fit quelques pas en avant pour se rattraper sur les pavés encore glissants de la rosée du matin. (HRP : merci le dé)

Les autres filles continuant la marche normalement, le cortège commença à se scinder en deux : le groupe en avant qui continuait sa marche comme si de rien était, et le groupe en arrière qui cherchait à regarder ce qu'il s'était passé tout à l'arrière, creusant ainsi l'écart avec les autres pensionnaires.

Alarmée par la situation et craignant que cela ne dégénère, la sœur "cerbère" se hâta pour rattraper une soeur plus à l'avant afin qu'elle aille prévenir la mère supérieure pour qu'elle puisse ralentir le pas et les attendre.

Alors que les filles se replaçaient pour être prêtes à reprendre la marche, une pensée vint à Maria-Karla : son choix de se mettre à l'arrière était judicieux car il permettait de s'évader rapidement sans être trop remarquées, mais il y avait peu de chances pour que la sœur cerbère ne remarque pas que les deux filles de fin de cortège seraient manquantes. Il s'agissait de trouver rapidement une idée ou d'attendre un autre moment pour s'échapper.

[Maria-Karla]

Ses pensées partagées entre l'étrange voile et leur "mission" pour Maria-Theresa, Maria-Karla ne vit pas arriver l'intrus et fut soudain bousculée. Elle eut à peine le temps de voir la silhouette encapuchonnée, plus occupée à rétablir son équilibre : le risque de salir sa robe, et s'attirer ainsi des remontrances des sœurs, ou d'attirer l'attention des autres pensionnaires était trop grand, et elle ne pouvait pas le courir maintenant.
"Mufle !" ne put-elle s'empêcher de grommeler une fois hors de "danger" de tomber.
En voyant la sœur Cerbère quitter sa position pour aller prévenir les autres religieuses, elle crut que c'était le bon moment pour s'échapper, mais se ravisa très vite. Quelle que soit la longueur de la procession, elles n'auraient pas le temps d'aller jusqu'à un bureau de poste et revenir avant le retour de leur gardienne. En outre, elle ne savait pas où se trouvait ce bureau de poste.
Elle profita cependant de l'absence de la religieuse pour murmurer à Anastasia :
"Sais-tu par où se trouve le bureau de poste, s'il est loin de l'église ?"
Mais leur position à portée de regard de sœur Cerbère ne leur laissait que peu d'occasions d'échapper à sa surveillance, elle le savait. Aller jusqu'au bureau de poste serait peut-être impossible. Il lui fallait trouver autre chose, et vite.
Adrien, aide-moi ...
L'évocation du nom d'Adrien lui suggéra une idée.
"As-tu toujours la pièce d'or de Maria-Theresa ? A défaut d'aller à la poste nous-mêmes ... nous pourrions essayer de donner une obole à un domestique ou à un mendiant pour qu'il aille la porter pour nous. C'est un peu moins sûr que si nous nous en chargions nous-mêmes, mais ce sera sûrement plus facile que de quitter le cortège ..."

[Le créateur]

Comme un écho à son appel à l'aide, Maria-Karla put sentir quelque chose la démanger au niveau de la ceinture. Une feuille froissée était glissée sous cette dernière, probablement lorsqu'elle avait été bousculée par la silhouette encapuchonnée. A l'intérieur, ces quelques mots : "douzième rangée, à gauche, Adrien".

(HRP : selon Anastasia, il faudrait une dizaine de minutes pour se rendre au bureau de poste au pas de course, faire la queue, poster la lettre, et revenir au pas de course)

[Maria-Karla]

Maria-Karla eut le réflexe de froisser à nouveau la feuille dès qu'elle eut fini de la lire, en la plaçant aussi hors de portée que possible du regard d'Anastasia.
Alors c'était Adrien ... S'il ne s'était pas signalé par cette feuille, je ne l'aurais jamais cru ... Mais que fait-il ici, et pourquoi ce rendez-vous ? Les visites sont autorisées cet après-midi, il pourrait très bien venir à ce moment-là ... Ou alors ... c'est que tout comme nous avec la lettre de Maria-Theresa, il a des choses à dire qui ne doivent absolument pas parvenir à la connaissance des sœurs ...
Sa main revint, par réflexe, se crisper sur le médaillon. L'arrivée inopinée d'Adrien la rendait nerveuse, mais en même temps ... si heureuse de le revoir.

[Anastasia]

Anastasia essaya de retenir Maria-Karla pour qu'elle ne tombe pas lorsqu'elle fut bousculée.
- Il a l'air pressé celui-là fit-elle.
- Pour la poste, il faut 10 minutes en se pressant. Ca va être un peu court. Le mieux serait en effet de le confier à quelqu'un de confiance. Mais dans cette ville, je ne connais personne à l'extérieur qui pourrait nous rendre ce service. Et toi ?
Anastasia ne fit pas attention au message qu'avait reçu Maria Karla.

[Maria-Karla]

"Je ... J'ai peut-être quelqu'un. Est-ce que tu peux me passer discrètement la lettre s'il te plaît ?"
Les choses se déroulaient un peu comme dans un rêve aux yeux de Maria-Karla, elle avait du mal à réfléchir, mais s'il y avait un plan qui pouvait réussir, c'était celui-là.

[Anastasia]

Anastasia avait posé la question à tout hasard et fut surprise de la réponse positive.
- Tu viens d'arriver et tu connais quelqu'un ici toi ? demanda t'elle en lui tendant l'enveloppe discrètement.
Anastasia était surprise, mais elle avait confiance en sa camarade.