Episode 1 : Les savoirs interdits

[Maria-Karla]

Maria-Karla se sentit reprendre du tonus. Il était hors de question de se laisser abattre. Anastasia comptait sur elle, et il y avait, quelque part dans l'ombre, quelque chose qui la protégeait. Elle n'avait rien à craindre ... sinon l'inconnu.
"Allons à la chapelle, dit-elle sur un ton soudain plus résolu. Même si soeur Maria-Alma n'y est pas, nous pourrons peut-être au moins mieux écouter leurs soi-disant prières et comprendre ce qu'elles cherchent à faire ..."

[Anastasia]

Anastasia était heureuse que son amie ne se laisse poas abattre, elle avait elle aussi besoin qu'on la rassure.
-Allons-y et tirons ça au clair

[Le créateur]

En arrivant à la chapelle, les deux pensionnaires retrouvent sœur Mari-Alma en train de prier, à la même place que celle qu'elle occupait le matin même. D'autres sœurs sont là aussi, priant le seigneur parfois en silence et parfois en chuchotant quelques mots. Quand les deux filles arrivent, la sœur se lève et vient les rejoindre, comme si elle avait su qu'elles étaient là sans avoir besoin de les voir. Une fois un peu écartées de l'entrée, la sœur prend la parole :
"Vous vouliez me parler ? Si vous voulez retourner dans la bibliothèque, ça risque d'être un peu délicat. La sœur bibliothécaire ne m'a pas dans ses bonnes grâces en ce moment, si vous me passez l'expression..."

[Anastasia]

- Ce n'est pas nécessaire pour le moment ! déclara Anastasia en regardant la Soeur Maria Alma droit dans les yeux.
-En fait, murmura t'elle en baissant le ton (puis les yeux) , nous voudrions vous parler en privé si celà est possible, c'est très important.
Anastasia se demandait où elle trouvait un tel courage. En temps normal, elle aurait été incapable de parler ainsi à qui que ce soit surtout à une soeur... surtout une soeur qu'elle appréciait particulièrement en plus...
Quand elle releva les yeux, la situation avait brusquement changée: son courage s'était évaporé: ses yeux étaient embués de larmes: l'émotion qu'elle ressentait était trop importante. Elle espérait que Soeur Maria Alama ne s'en rendrait pas compte, elle avala un sanglot et continua:
- On a ... vraiment ... besoin... de vous...
Anastasia était furieuse contre elle : elle aurait préféré ne pas craquer maintenant, de quoi elle avait l'air ? surtout en face de son amie qu'elle avait voulu réconforter quelques minutes avant. Et qu'aurait dit son père en la voyant ? Elle avait le sentiment d'être ridicule et c'est ce qui l'agaçait le plus. Elle espérait que Maria Karla allait reprendre le relais. Elle était submergée par l'émotion et elle ne savait pas pourquoi elle l'était à ce point. Etait-ce Soeur Maria-Alma qui lui faisait un tel effet ou bien l'angoisse résultant de la situation qu'elle vivait ?
Elle serra les dents , pensa à son père essaya de retrouver son courage.
- Pardon... murmura t'elle sans savoir réellemet à qui s'adressait ce message...

[Maria-Karla]

Maria-Karla laissa d'abord parler Anastasia, puis elle vit avec inquiétude son amie s'embrouiller et défaillir, sans parvenir à dire à soeur Maria-Alma ce qu'elle voulait dire.
Laquelle de nous deux a besoin de soutien, je me le demande ...
Voyant Anastasia bafouiller, ne comprenant que "pardon", elle prit à son tour son courage à deux mains. C'était elle qui avait trouvé le livre la première, c'était à elle de régler cela. Inutile de tourner autour du pot, il fallait dire quelque chose que soeur Maria-Alma comprendrait tout de suite. Mais quoi ?...
Le souvenir de l'incursion à la bibliothèque du matin lui revint, et elle trouva ce qu'elle devait dire.
"En fait, nous voulions vous parler du livre que nous avons demandé à consulter ce matin, le Recueil du frère Ernest ..."
Elle avala sa salive et continua, déjà un peu moins assurée :
"Ce livre ... nous a autant intéressées qu'intriguées. Nous voudrions que vous nous en parliez un peu plus, vous qui semblez bien le connaître ..."
Voilà ... Si elle est vraiment dans le secret, elle va comprendre tout de suite de quoi je parle ... Espérons qu'elle ne va pas faire semblant de ne rien savoir maintenant ... Ce serait injuste, après tout ce qui vient de se passer ... Mais est-ce qu'il y a des choses justes ici ?
Maria-Karla se sentit trembler légèrement, et fit de son mieux pour ne pas le montrer. À présent, elle avait mis définitivement le doigt dans l'engrenage. La roue du destin allait tourner et elle ne pouvait plus l'empêcher, alors autant y faire face avec un peu de courage ...

[Le créateur]

La soeur semble déroutée par les propos des deux jeunes filles.
"Je ne comprends pas, vous avez lu le Recueil du Frère Ernest ? Je me suis peut-être mal faite comprendre, c'était une excuse pour vous permettre de faire vos recherches, mais vous n'étiez pas obligées de le lire... Je ne suis pas sûre de tout comprendre. Calmez-vous."

Elle invite alors les élèves à la suivre, se dirigeant vers la salle d'atelier qu'elles avaient utilisées une heure auparavant pour les cours.

Une fois entrée dans la salle, elle referme la porte.

"Asseyez-vous et essayez de m'expliquer calmement ce qu'il s'est passé."

[Maria-Karla]

Elle fait semblant de ne pas comprendre, ou elle n'a vraiment pas compris ? Non, je ne peux pas croire qu'elle ne soit pas au courant après tout ce qui s'est passé ...
Maria-Karla essaya de garder son calme, ce qui n'était pas évident alors qu'elles se retrouvaient enfermées dans la pièce. Si soeur Maria-Alma pratiquait la sorcellerie, elle pouvait leur jeter n'importe quel sort ici et maintenant, sans que personne ne le sache. Mais elles devaient avoir des explications, et pour cela, il fallait bien que ce soit elle qui les demande vu qu'Anastasia n'était manifestement pas en état de le faire.
Adrien, aide-moi ...
"Ma soeur ... j'ai parlé du Recueil du frère Ernest parce qu'il y avait d'autres personnes à côté. En réalité, nous voulions parler d'un autre livre. Un livre qui n'a ni titre ni auteur, et qui n'aurait même pas dû se trouver dans les rayons à en croire la soeur bibliothécaire ... Nous avons trouvé ce livre par hasard et ..."
De plus en plus nerveuse, Maria-Karla sentait qu'elle s'embrouillait. Elle chercha les mots à employer pour se faire comprendre sans ambiguïté, vu que soeur Maria-Alma semblait essayer de faire semblant de ne pas comprendre ...
Et puis zut, j'en ai trop ou pas assez dit maintenant ... C'est à elle de nous dire de quoi il retourne à présent ...
"Il se passe des choses bizarres autour de ce livre, cela nous fait très peur !... Ma soeur, s'il vous plaît ... dites-nous de quoi il s'agit ..."

[Anastasia]

Anastasia ne comprenait pas pourquoi Soeur Maria Alma faisait semblant de ne pas comprendre: il était impossible qu'elle ne sache pas. Ou alors elle pensait que leur conversation, d'ue manière ou d'une autre pouvait être écoutée. Et c'est pour celà qu'elle les avait amenées ici.
Elle rassembla à nouveau son courage:
- Ma soeur dit-elle au moment où Maria Karla finissait de parler, vous devez nous aider. Avez-vous lu ce livre ? Savez-vous de quoi il parle ? Vous avez fait en sorte que l'on puisse y avoir accès et le lire, mais maintenant, nous ne savons plus quoi faire ni quoi penser, il faut que vous nous aidiez.

[Le créateur]

La sœur semble tomber dénue. Elle laisse quelques secondes s'écouler, cherchant à se recentrer, avant de répondre aux deux pensionnaires :

"Vous... vous avez lu ce livre ? Qu'est-ce que vous avez lu exactement ?..."

Sa voix est hésitante. Réalisant qu'elle ne répondait pas aux questions des filles, elle reprend, un peu plus calmement.

"Je n'ai pas fait en sorte de vous mettre ce livre à disposition. Je devais le remettre dans la réserve, mais apparemment, une petite maligne le récupère et le remet régulièrement au rayon politique. La sœur bibliothécaire pense que je ne l'ai pas rangé, et je sais que ça peut paraître absurde, mais je l'avais fait."

Elle reprend, avec un peu d'hésitation :

"Il y a autre chose au sujet de ce livre, mais je dois savoir ce que vous avez vraiment lu dans ce livre avant de vous répondre."

La sœur essaye de sourire, cherchant probablement à rassurer les deux pensionnaires, mais sa nervosité transparaît dans la façon dont elle froisse ses manches au niveau de ses poignets.

[Maria-Karla]

Maria-Karla écouta la soeur mais eut du mal à croire le début de son discours.
Une "petite maligne" remet ce livre dans les rayons ? Comment est-ce possible si la soeur bibliothécaire est la seule à avoir les clés de la réserve ? Est-ce qu'elle nous cache encore quelque chose ... ou est-ce que ce livre ... reviendrait de lui-même dans les rayons ?
Après ce qu'elle avait vu dans la cuisine, cela ne lui semblait pas impossible. Mais il était peut-être un peu tôt pour se poser cette question ... il fallait d'abord que soeur Maria-Alma leur dise ce qu'elle savait à propos de ce livre.
"Nous n'avons lu que le début, ma soeur. Le passage qui parle de briques d'éléments et qui prétend qu'on peut transformer ces briques si on le demande dans la langue universelle ..."
Elle n'osa pas dire la suite. Fallait-il dire qu'elle avait jeté un sort grâce à ce livre ou pas ?... Cela risquait d'être dangereux. Mais d'un autre côté, si elle s'arrêtait là, que répondrait soeur Maria-Alma ? Sans doute quelque chose comme "Ce n'est qu'une théorie hérétique qui n'aurait jamais dû vous passer sous les yeux, oubliez vite cette histoire sans importance et tout ira bien." Alors qu'elles savaient que c'était faux.
Maria-Karla resta quelques instants sans rien dire et se tourna même vers Anastasia, espérant que celle-ci parlerait pour elle. Mais elle se ravisa : c'était à elle de le dire, d'autant plus qu'elle était la mieux placée pour parler de ce qui lui était arrivé.
"Enfin, c'est ce que nous avons lu toutes les deux ... Moi, je suis allée ... un peu plus loin ... J'ai lu une formule qui empêche l'eau de couler, mais je vous jure que je ne m'en servirai plus ..."
Elle se reprit, réalisant sa gaffe :
"Euh ... pas ..."

[Anastasia]

Anastasia était déconcertée: Soeur Marai-Alma ne semblait pas être au courant. Celà semblait incompréhensible. Elle regrétait déjà d'être allée si loin avec elle et de lui en avoir dit autant. Quand elle entendit Marai-Karla faire une gaffe, elle la regarda sutpéfaite.
- Non, ne lui dit pas ça, elle ne sait rien, on va avoir des ennuis pensa t'elle en la regardant horrifiée.
- Elle veut dire qu'elle ne se servira plus du livre... ajouta t'elle pour aider son amie à s'en sortir, mais elle n'était pas certaine que ce soit une bonne idée.

[Le créateur]

La sœur pose son index sur son menton et semble réfléchir alors que, au fur et à mesure que les deux pensionnaires expliquent la situation, ses sourcils se froncent.
Avant de reprendre la parole, elle se ronge rapidement un ongle.

"Vous... Vous l'avez lu ?... Enfin, je veux dire que vous l'avez compris ?..."

Elle se recule un peu sur son tabouret.

"Tout ce que je peux vous dire, c'est que je l'ai moi-même lu, et compris. Je pense que ce ne sont que les divagations d'un moine fou à l'imagination trop fertile, mais ce qui m'étonne, c'est la langue dans laquelle il est écrite. Pour l'instant, je pensais être la seule à pouvoir la lire. La sœur bibliothécaire par exemple ne l'a jamais compris. J'ai pensé que c'était un langage proche du patois de mon village natal. Si vous l'avez compris, vous devez vous aussi connaître ce patois alors ?"

La sœur marque une petite pause, essayant de lire une réponse sur l'expression de ses "élèves".

[Maria-Karla]

"Je l'ai compris, mais je ne sais pas comment. Au début, moi aussi je pensais que c'était un patois que j'aurais entendu chez les domestiques de ma tante ... mais quand j'ai commencé à le lire, j'ai eu l'impression que c'était différent. Je connaissais la langue mais j'étais - et je suis toujours - incapable de dire où et comment je l'ai apprise et ..."
Maria-Karla tiqua soudain. Quelque chose ne collait pas dans les paroles de la religieuse.
"Mais ... vous dites que vous êtes la seule à le comprendre, mais ... c'est impossible. Si vous êtes la seule à le comprendre, alors ... pourquoi les prières qu'on nous fait dire ressemblent tant à ce langage ?"
Elle se demanda si elle avait bien fait de poser cette question, mais c'était une énigme qu'elle avait à coeur de comprendre, et elle avait besoin d'une réponse. Si les prières ressemblaient tant à cette langue bizarre, il y avait au moins une autre soeur, haut placée celle-là, qui connaissait et utilisait cette magie ...

[Le créateur]

"Je pensais simplement que ce couvent avait été construit par des personnes originaires de ma région. Je suis là depuis 20 ans et ces prières étaient là avant moi. J'ai l'impression qu'elles sont plus un héritage culturel qu'une idée de la hiérarchie du couvent. Si ça se trouve nous sommes les 3 seules à pouvoir comprendre ces prières. Enfin, en partie... Parce que pour ma part, je ne saisis que le sens général, de nombreuses expressions m'échappent."

La soeur se tourne alors vers Anastasia :

"Toi aussi, tu as lu ce livre ? Et tu en as compris quoi exactement ?"

[Anastasia]

Anastasia baissa les yeux puis répondit:
- Oui j'ai lu ce livre et j'ai ressenti une impression de familiarité que je ne m'explique pas vis à vis de lui. Je ne connais pas la langue dans laquelle il est écrit mais je l'ai comprise. C'est une langue qui ressemble à un patois autrichien de l'est.
Ce que j'en ai compris c'est que l'univers serait constitué de petites briques et que l'on peut changer le nom de ces briques à condition que celà soit fait dans la langue universelle. C'est étrange, on dirait un livre de magie ou de sorcellerie, et nous ne comprenions pas ce qu'il faisait là. Mais l'auteur explique que ce n'est pas un ouvrage d'apprentissage; Tout ça nous a fait peur, parce qu'on ne comprend pas tout. Surtout que les prières du couvent semblent aussi se dérouler dans cette langue. Nous ne savons plus que penser. Nous avons besoin d'aide.
Anastasia se demandait si elle avait bien fait de dire la vérité et quelles conséquences pour elle et pour son amie celà allait produire.