Episode 4 : La Tête du serpent

[Le créateur]

Maria-Karla répéta les mots qu'elle avait entendus auparavant et à peine les eut-elle prononcés que le voile se déchira sur toute sa longueur, libérant ainsi la porte de son étreinte.

La poignée tourna comme d'habitude, mais cette fois-ci, la porte s'ouvrît lentement, laissant apparaître les restes d'une chambre en piteux état au milieu de laquelle une sœur, bleue et translucide, était à genou, dans une position pouvant évoquer une prière, si elle n'avait pas la tête effondrée dans ses mains. Quelques sanglots témoignaient de la seule activité que cette prisonnière avait du avoir pendant tout ce temps : elle pleurait.

[Maria-Karla]

Maria-Karla fit prudemment quelques pas à l'intérieur de la chambre.
"Maria-Bella ?"
Elle osait à peine regarder la religieuse translucide.
Mon Dieu ... Depuis combien de temps est-elle ici, à souffrir dans cette chambre à l'état de fantôme ? Comment les autres hérétiques ont-elles osé faire ça ? Ce qu'elles lui ont fait est pire que la mort ... et on voudrait que j'aie pitié pour leurs âmes après cela ?
"Maria-Bella ... reprit-elle, les larmes aux yeux. Elles vont payer pour cela. Je le jure ..."

[Anastasia]

Anastasia se tenit dans l'encadrement de la porte, jetant des coups d'oeils à l'extérieur pour vérifier que personne ne venait. Mais lorsqu'elle vit la jeune fille dans la chambre, son coeur se serra. Son état faisait peine et elle ne put réprimer un frisson en imaginant ce que cette fille avait subi.
Elle entra à son tour et s'approcha d'elle, essayant d'apercevoir son visage.

[Deborah]

Je regarde la scène d'un air détaché, moins pas insensibilité que parce que j'ai toujours du mal à croire à tout ce qui se passe.

"Vous êtes sûres qu'il s'agit bien de Maria-Bella ?"

[Le créateur]

Le fantôme se tourna vers les trois filles, cessant de sangloter quelques instants.

- Vous ?... Vous êtes revenues ?... J'ai tellement eu peur qu'elles ne vous retrouvent et ne vous fasse subir d'horribles atrocités... Il reste donc un espoir...

Les larmes fantomatiques glissant toujours sur ses joues, la sœur esquissa un petit sourire. Mais elle ne se releva pas, peut-être parce qu'elle n'y pensait ou qu'elle n'en était plus capable.

- Ne faîtes rien de fou, elles vous croient probablement encore des leurs, c'est votre meilleur atout... Vous êtes vous pleinement éveillées ?

[Anastasia]

Anastasia se sentait très émue par la vue de la jeune fille.
- Nous sommes "réveillées", oui, mais celà a pris du temps.
Elle s'approcha et allongea le bras pour l'aider à se relever.

[Maria-Karla]

Maria-Karla se joignit à Anastasia pour tenter d'aider Maria-Bella.
"Par contre, je ne suis pas sûre qu'elles nous croient encore des leurs ... Le temps de nous réveiller complètement, nous avons fait quelques actions inconsidérées, et même si nous avons essayé de ne pas laisser de témoins, je pense qu'elles ont au moins quelques doutes maintenant ... Il va falloir agir vite."

[Le créateur]

La sœur sembla ne plus avoir de larmes. Une certaine détermination avait pris la place de son chagrin. Les mains des jeunes filles passèrent au travers de son corps ectoplasmique, mais la sœur sourît et ne s'en offusqua pas.

- Alors nous devons faire vite. Je vais essayer de vous résumer toute l'histoire. Au début, nous étions 13. Douze élève plus... notre maîtresse...

Le regard de la sœur s'était attardé sur Maria-Karla.

- Elle avait failli mourir noyée dans son enfance, mais s'en était sortie. Une fois réveillée, elle avait ramené de son séjour parmi les morts une vérité, une vérité qui pouvait changer la face du monde. Elle parlait une nouvelle langue. Les éléments obéissaient à cette langue et pourtant, de cet incroyable pouvoir, elle ne tirait que de l'humilité et du respect pour ses semblables. Afin de partager sa sagesse, elle avait choisi 12 élèves, douze jeunes filles qui suivraient sa voie.

La sœur se releva lentement avant de reprendre son récit.

- Mais autant elle avait appris sa connaissance en quelques heures, autant une vie ne suffiraient pas pour transmettre son savoir. De son pouvoir, elle avait érigé une forteresse dans laquelle les 13 filles pouvaient étudier sans risquer de mettre en danger le reste du monde, mais surtout pour empêcher des personnes mal intentionnées de voler leurs secrets. On disait même qu'elle avait réussi à ralentir le temps pour permettre de transmettre un peu plus. Mais cela ne suffisait pas. Alors une des élèves accepta de se sacrifier pour devenir leur ancre. Elle fût attachée à la forteresse et en devint la gardienne. Son rôle était primordial. Elle devait s'occuper des âmes des sœurs qui allaient mourir afin de les transférer dans un corps de nouveau né. Puis elle devrait rappeler ces sœurs à elles. Les sœurs qui revenaient avaient souvent oublié une bonne partie d'elles-mêmes, polluées par les débuts de leur nouvelle vie. Il fallait donc les protéger, attendre qu'elles se réveillent et ensuite seulement reprendre leur enseignement. A chaque fois que la maîtresse mourait, s'ensuivait une période de régression, pendant laquelle l'enseignement était limité et la sagesse faisait défaut. Des conflits commencèrent à apparaître, florissants pendant les phases de régression et se tamisant un peu pendant les phases d'illumination. Certaines sœurs décidèrent de chercher à obtenir le pouvoir sur le monde extérieur au couvent et fomentèrent des conspirations, des manipulations, recalant leur enseignement au second plan. La folie s'empara de plus en plus des sœurs et la maîtresse dut se rendre à l'évidence : son rêve de connaissance et de sagesse n'était plus qu'un lointain fantôme. Elle réunît ses plus fidèles élèves et décida de mettre fin au couvent.

La sœur se remît des cheveux fantomatiques en place, sous son voile.

- La suite, vous la connaissez, nous avons cherché un moyen de prendre nos sœurs par surprise, nous avons trouvé comment attacher notre pouvoir à autre chose que nous-mêmes avant d'accélérer notre réveil. J'ai été repérée, j'ai été punie, et vous avez gardé un profil bas jusqu'à la prochaine réincarnation. Maintenant, vous avez votre pouvoir et les sœurs ne comprennent pas pourquoi. Vous pouvez mettre un terme à ce couvent...

La sœur cessa son récit, attendant la moindre question de la part de ses interlocuteurs.

[Anastasia]

Anastasia fut stupéfaite de se rendre compte que sa main passait à travers le corps et eut un léger mouvement de recul dû à la surprise.
Puis elle écouta attentivement ce que la jeune fille disait: elle commençait à y voir plus clair à présent. A la fin du récit, elle ne put s'empêcher de poser des questions:
- Mais si nous étions 13, où sont donc les autres ?
- Les autres soeurs sont donc toutes démoniaques, et pas seulement certaines d'entre-elles ?
- Comment fut choisie celle qui s'est sacrifiée ? Est-ce sa voix que j'ai entendue dans la colonne ?

[Maria-Karla]

Maria-Karla écouta en silence le récit de Maria-Bella. Contrairement à Anastasia, elle n'avait aucun doute sur le lien entre l'histoire de l'élève sacrifiée et la créature de la colonne de lumière.
Sacrifiée ... J'aurais presque pitié de cette fille dans la colonne, mais Maria-Bella a raison : elle est folle. Comme toutes les autres sœurs auxquelles nous avons eu affaire. La détruire sera la libérer de sa folie, ainsi que de sa tâche désormais plus nuisible qu'utile ; c'est un devoir que nous devons accomplir ...

[Deborah]

Je regarde en silence et je réfléchis à ce qui vient de ce dire.
C'était évident qu'un tel plan ne pouvait pas marcher... Et maintenant c'est à nous de faire le ménage ?
... Et cette histoire de séjour chez les morts, ça me dérange beaucoup...

[Le créateur]

La soeur regardait Anastasia attentivement, cherchant réponse à ses questions.
- nous sommes déjà 4 ici, avec la soeur dans la colonne, ca fait 5. Il reste donc 8 soeurs. Elles ne sont peut-etre pas toutes éveillées. On ne peut pas dire qu'elles soient maléfiques, ce sont juste des personnes surhumaines avec des ambitions humaines.

[Maria-Karla]

"Huit sœurs ..."
Maria-Karla compta nerveusement sur ses doigts.
"Nous en avons déjà éliminé deux, il en reste donc au maximum six ... Mais c'est de celle de la colonne que nous devons nous occuper. Si elle continue de réincarner les âmes des sœurs, quoi que nous fassions, elles reviendront et le couvent ne cessera jamais d'exister. L'idéal serait de la convaincre d'arrêter, mais pour avoir déjà eu affaire à elle, j'ai peur qu'elle ne le comprenne pas ... Il faut donc détruire la colonne ..."

[Anastasia]

Détruire la colonne ? Oui c'est ce que nous devons faire, mais je ne vois pas comment, à moins de trouver un moyen de faire écrouler la salle: celà détruirait en plus tout ce qu'il y a au-dessus. Mais détruire la colonne seule je ne vois pas comment...

[Deborah]

"Il n'y aurait pas moyen d'accélérer notre "réveil" ? Si tu as pu mettre tout cela au point, Maria-Karla, tu as certainement les connaissances nécessaires pour détruire la colonne. Il suffirait que tu arrives à un stade où tu puisses t'en rappeler."