Episode 1 : Les savoirs interdits

[Maria-Karla]

"Euh ..."
Maria-Karla resta sans voix devant la réponse de la soeur, et la regarda rentrer dans la chapelle.
"Bon, fit-elle à Anastasia, viens ... Allons à la bibliothèque."
Sur le trajet, en faisant attention à ne pas trop s'approcher des élèves dans la cour pour ne pas être à portée de leurs oreilles, elle murmura à sa camarade :
"Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?... Pourquoi soeur Maria-Alma nous a-t-elle dit ça, elle pense que même une recherche sur les personnalités de la région ne sera pas acceptée par la soeur bibliothécaire ?..."
Elle baissa la tête et rougit, se sentant bizarrement entre le rire et les larmes sans savoir lequel choisir.
"Dire qu'on a inventé un mensonge et que c'est elle qui nous en suggère un autre ... À moins ... qu'elle ait compris qu'on mentait ?..."
Maria-Karla s'arrêta net et dit encore plus doucement à Anastasia :
"Et si elle était au courant pour ce livre ?... Et si ... elle avait compris que c'est pour lui que nous revenons à la bibliothèque ?..."
Malgré le sourire bienveillant et l'aura de pureté de soeur Maria-Alma, Maria-Karla eut soudain l'impression que ses confidences résonnaient comme une menace. "Ce sera notre secret" ... mais qui était le plus lié par ce secret ?

[Anastasia]

Anastasia fut elle aussi assez surprise de la réponse de Soeur Maria Alma. Elle ne s'attendait pas à sa complicité. Et elle ne comprenait pas pourquoi elle trouvait si évident que sa camarade venait de lui mentir.
- Il y a trois choses bizarre répondit-elle à Maria-Karla:
-1 : comment a-t-elle deviné aussi facilement, je veux dire qu'il semble bien évident pour elle que les raisons que l'on a données sont fausses.
-2: pourquoi ne nous punit-elle pas puisqu'elle devine qu'on lui a menti.
-3: Pourquoi veut-elle partager "ce secret" avec nous ? Si Soeur Maria Alma est au courant pour le contenu des livres, pourquoi veut-elle que nous puissions les lire à notre tour ?
D'un côté je trouve ça très bizarre, d'un autre côté je trouve ça plutôt agréable d'avoir quelqu'un qui nous aide, j'ai confiance en Soeur Maria Alma. Et je pense que c'est une vrai chance, j'ai toujours trouvé qu'elle ressemblait à un ange.
Anastasia eut envie de prendre la main de Marai-Karla pour l'encourager, mais elle se souvenait que les contacts étaient à éviter en public et que son amie ne semblait pas non plus les aimer tout comme les signes d'amitié. Elle se contenta de lui sourire pour la rassurer.

[Maria-Karla]

"Tu crois ?..."
Maria-Karla sourit en retour à Anastasia, mais ses craintes ne s'étaient pas envolées pour autant. Surtout que peu de temps auparavant, Anastasia lui avait fait part de sa méfiance envers les soeurs, et maintenant elle affirmait son entière confiance en soeur Maria-Alma. Ce revirement d'opinion n'était pas fait pour la rassurer.
"J'espère vraiment que tu as raison et que nous pouvons lui faire confiance."
Elle reprit son chemin vers la bibliothèque.
"De toute façon, puisque maintenant elle semble savoir que nous allons lire ce livre, autant le faire. Peut-être qu'en l'examinant un peu mieux, nous comprendrons la raison de tous ces mystères ..."

[Anastasia]

Devinant l'inquiétude de sa camarade, Anastasia cru bon de préciser:
- En réalité, je suis certaine que les soeurs ici m'espionnent pour le compte de ma belle-mère, mais Maria-Alma est bien la seule en qui j'ai confiance, je veux dire qu'elle est la seule à ne m'avoir jamais donné l'impression que quelque chose de désagréable se cachait derrière ses paroles ou ses actions, elle est différente de celles qui dirigent ce couvent... du moins, je pense.
Mais ce sont juste des impressions. C'est difficile à définir, c'est comme ça.

[Maria-Karla]

"Juste des impressions ... C'est bien ça le problème, nous ne sommes sûres de rien dans cette histoire. Mais bon, à présent nous n'avons plus qu'à retourner consulter ce livre, puisque c'est ce que nous voulions faire et que soeur Maria-Alma semble l'avoir compris. Même si finalement elle n'est pas digne de confiance, nous ne pouvons plus lui faire oublier ce qu'elle a entendu. Alors autant aller jusqu'au bout ... en espérant qu'avec le temps, nous comprendrons mieux ce qui se passe ..."
Maria-Karla passa nerveusement la main sur le milieu de sa poitrine, agacée par tous les mystères qui se déroulaient autour d'elle depuis qu'on avait décidé de l'envoyer dans ce couvent.
Comme j'aimerais que tu sois là en ce moment ...

[Anastasia]

Anastasia remarqua le geste de sa camarade et constata qu'elle était inquiète.
- Tu es comme moi lui dit-elle au bout d'un moment: tu deviens méfiante de tout ici. Mais, sans que je sache pourquoi, il me semble que pour cette fois, on ne risque rien.
Anastasia aurait bien voulu être aussi sure d'elle intérieurement mais il lui semblait que Maria Karla avait besoin de se sentir soutenue. Mais pour une fois aussi elle allait faire quelque chose qui sortait de l'ordinaire.

[Le créateur]

Sœur Maria-Alma arrive, mais accompagnée de la sœur bibliothécaire, et sans le sourire qu'elle portait précédemment. Cette dernière ouvre la porte de la bibliothèque à l'aide de sa grosse clef en fonte, et, sans ajouter un mot, fait signe d'entrer aux deux amies.
Aussitôt fait, les deux soeurs se dirigent vers la réserve et y disparaissent dans l'obscurité.

Maria-Karla et Anastasia se retrouvent alors seules parmi les livres.

[Maria-Karla]

Maria-Karla regarda les deux soeurs sans perdre sa méfiance. Quand elle les vit s'enfermer dans la réserve, elle fit part à voix basse de son nouvel étonnement à Anastasia :
"Je croyais qu'elles nous surveilleraient ... Tu crois que soeur Maria-Alma se charge de détourner l'attention de la soeur bibliothécaire ?"
Puis, sans vraiment attendre la réponse et toujours à voix très basse :
"Au moins, personne ne nous surveille maintenant. Viens, je vais te montrer où j'ai trouvé ce livre."
Elle se dirigea vers le rayon où elle avait posé le livre en faisant signe à Anastasia de la suivre.

[Le créateur]

(Attention : les soeurs sont passées dans la réserve mais n'ont pas fermé la porte. Même si elles ne peuvent voir qu'une partie du rayon de botanique, elles peuvent cependant entendre les bruits trop élevés)

Le livre est bien au rayon politique, et les deux pensionnaires ressentent à nouveau l'impression de familiarité qui est attachée.

De ce que peut en lire Anastasia, l'écriture est complètement inconnue, mais elle en comprend le sens. La prononciation ressemblerait (pour elle) à un patois autrichien de l'est, mélange de sonorités germaniques et grecques, voire arabes. Le livre parle en gros des mêmes choses qu'a pu comprendre Maria-Karla :

la mise en garde initiale : Le lecteur trouvera ici toutes les informations dont il aura besoin, mais il ne doit pas l'interpréter comme un guide d'aprentissage d'un outil quelconque, car cet outil demande un investissement, il lui faudra investir une part de lui dans chacune de ses actions, chercher à savoir est déjà le premier investissement, mais d'autres suivront.

Puis l'auteur explique les fondements de la création, d'un point de vue théologique, mais aussi métaphysique. Selon lui, l'univers serait construit de petites "briques" les unes sur les autres. Chacune de ces briques est définie par son nom et possède les propriétés qui y correspondent. Il prétend que l'on peut changer le nom de ces briques à condition que ce changement soit proclamé dans la langue universelle.

[Maria-Karla]

Maria-Karla laissa Anastasia lire sans rien dire, s'intéressant davantage à la porte de la réserve, qu'elle regardait fréquemment pour s'assurer que soeur Maria-Alma ou la bibliothécaire ne revenait pas brusquement vers elles.

[Anastasia]

Anastasia était stupéfaite, non seulement elle comprennait ce qu'elle lisait mais ce qu'elle lisait l'étonnait plus encore.
- Qu'est ce que ça veut dire chuchotta t'elle à Maria-Karla: l'univers est constitué de petites briques qu'on pourrait changer si on en connaît le nom dans la langue universelle ? Tu te rends compte , celà signifie que l'auteur prétend qu'on peut changer l' aspect de du monde qui nous entoure de manière localisée: ce n'est rien d'autre que de la magie, de la sorcellerie. Que fait un tel livre ici ? Quel livre étrange dans un endroit étrange... Si soeur Maria Alma nous a laissée voir ce livre, c'est peut être qu'elle en sait plus long que ce que l'on croit: si ça se trouve, elle s'adonne à cette magie elle-même... Qu'en penses-tu ?
Anastasia se rendait compte de l'énormité de ce qu'elle était en train de dire, mais l'étrangeté de ce livre et du lieu l'amenait à penser qu'elle avait peut être trouvé juste.

[Le créateur]

Les deux pensionnaires entendent les voix des sœurs qui montent dans la réserve, même s'il est délicat d'en comprendre tout le sens, il semblerait que la sœur bibliothécaire se plaigne du rangement des livres.

Les voix se rapprochent alors que le ton baisse, et Maria-Karla s'attend à voir les silhouettes des deux sœurs surgir d'un instant à l'autre de la porte de la réserve.

[Maria-Karla]

"Oui, chuchota Maria-Karla, ça ressemble à de la magie ... Et il se pourrait, effectivement, que soeur Maria-Alma soit au courant ... Mais pourquoi partagerait-elle un secret pareil avec deux simples jeunes filles, elle n'a pas peur que ..."
Elle entendit alors les soeurs changer de ton dans la réserve.
"Pour la soeur bibliothécaire, je ne suis pas sûre. Elles arrivent, range le livre !... Je ... Je te raconterai autre chose plus tard."

[Anastasia]

Anastasia range le livre puis se déplace légèrement tout en observant discrètement l'entrée des deux soeurs.
-Maria-Karla a autre chose à me dire ? pensa-t-elle. Cette fille vient à peine d'arriver et elle s'est rendue compte de plus de choses que moi.
T'es perspicace toi ! lui souffla t'elle.

[Maria-Karla]

À la remarque d'Anastasia, Maria-Karla se contenta de répondre en secouant négativement la tête.
Non, ça n'a rien à voir avec de la perspicacité ... Mais ça nous permettra peut-être d'en savoir plus sur cette histoire. Du moins je l'espère.