Episode 4 : La Tête du serpent

[Anastasia]

Aussitôt les paroles prononcées, Anastasia n'hésita pas: elle empoigna son sabre et lança une attaque sur la personne qui se tenait devant elle. Si Maria Karla avaient tout à coup des doutes, elle-même n'en avait aucun et n'en tint pas compte.

[Le créateur]

La tante de Maria-Karla se fendit d'un trait de lumière puis elle sembla éclater comme une bulle de savon et se dissiper en paillettes de lumière.

La voix s'en amusa :
- Ah ! Comme vous êtes drôles ! hihihi. Je n'invente rien, je ne peux pas inventer, je ne fais que reconstituer ce que je peux saisir... vos souvenirs.

Adrien se mordait la lèvre. Il était un peu en retrait et portait une expression de confusion.

La petite Maria-Karla était arrêtée, comme si l'absence de sa tante l'empêchait de continuer à jouer la scène.

- Très bien, passons au souvenir suivant alors.

La scène se dissipa en lumière puis se reforma dans un nouveau décors : Le petit salon de chez sa tante était calme et seule une autre Maria-Karla était là, admirant un tableau d'un homme portant une épée, un homme aux yeux bruns, un homme qui ressemblait un peu trop à Adrien. La jeune fille regardait le tableau, et soupira. A côté d'elle, sur un meuble, une série de bijoux était posée. Un miroir orné de pierres, un collier de perles, quelques bagues dont une portant une pierre un peu trop grosse pour être élégante, mais surtout, il y avait un pendentif, un pendentif que Maria-Karla (l'actuelle) put reconnaître. Et elle savait qu'Adrien le reconnaitrait aussi.

Le pendentif était ouvert et à l'intérieur, il n'y avait qu'une vieille peinture usée par le temps et méconnaissable.

[Maria-Karla]

Choquée par la scène, Maria-Karla se défendit en laissant échapper un petit rire nerveux.
"Tu appelles ça mes souvenirs ? Comment oses-tu ? Je sais très bien que cela ne s'est pas passé comme tu le montres ! Comment oses-tu essayer de me faire croire ... quoi d'ailleurs ? Qu'Adrien n'existe pas ?"
De plus en plus énervée, elle se tourna vers Adrien.
"Et toi, ne la laisse pas insinuer des choses pareilles !... Dis quelque chose !..."
Elle remarqua alors l'expression confuse d'Adrien. Mais qu'avait-il ? Est-ce que la créature avait un esprit assez puissant ... pour le faire douter de sa propre existence ?

[Anastasia]

On essaye de nous diviser et de nous faire douter. Ne les écoutons pas !

[Le créateur]

- Ce ne sont pas mes souvenirs, je ne peux pas savoir ce qu'ils signifient. Laissez-moi vous en montrer un peu plus. Et peut-être le puzzle se reconstituera-t-il.

Le décor s'effaça à nouveau pour laisser place à un espace de lumière qui se reforma tout de suite en une nouvelle scène.

Anastasia reconnut instantanément les lieux. C'était une chambre d'auberge où elle s'était arrêtée avec son père quelques années auparavant. Le lit était simple et sur la table de chevet, deux petites boucles d'oreille était posées. Elles n'étaient pas vraiment identiques, notamment parce que l'une des deux avait une pierre beaucoup plus grosse que sa jumelle. Une malle était entrouverte, la malle qui avait suivi Anastasia pendant tant de temps. Au milieu de la pièce, il y avait seulement une jeune fille. La jeune Anastasia était à genoux, avec un sabre entre les mains. C'était un sabre de qualité moyenne, qui avait du surtout servir à l'entrainement. Il différait de celui que tenait dans sa main la Anastasia réelle, par sa garde, plus large et plus lourde et par sa lame qui n'était pas aiguisée et était probablement trop épaisse pour cela.

La jeune Anastasia soupira les yeux fermés. un voile bleuté enveloppa doucement le sabre qui commença à changer de forme, la garde s'affina, ainsi que la lame et le terne qui assombrissait le métal se dissipa. Finalement, le sabre devint identique en tout point à celui qu'Anastasia manipulait aujourd'hui.

[Anastasia]

Pourquoi me montres-tu celà ? Le sabre que j'aie emené dans mes bagages et celui-ci sont différents. Tu déformes nos souvenirs pour les remplacer par d'autres. Anastasia essaye en même temps de se rapeler où sont ces boucles d'oreille

[Maria-Karla]

Voyant que la réaction d'Anastasia était la même que la sienne, Maria-Karla se sentit soutenue. Elle trouva la force de retrouver son calme et de se concentrer sur l'ancienne vie qu'Adrien lui avait révélée. S'imprégnant autant qu'elle pouvait de la force tranquille de la femme qu'elle avait vue à sa place, elle déclara à la créature :
"Il suffit maintenant !... Nous ne sommes pas des enfants et nous ne voulons pas jouer. Nous sommes les fondatrices de ce couvent et nous ne souhaitons qu'une chose, mettre fin à cette expérience où les ambitions personnelles ont éclipsé la recherche du savoir. Des catastrophes risquent de se produire si nous ne le faisons pas. Si toi aussi tu veux éviter que des catastrophes arrivent par ta faute, tu comprendras ce qu'il te reste à faire. Si tu refuses de nous aider, alors nous te détruirons comme nous t'avons créée."

[Le créateur]

La voix ne répondit pas aux propos de Maria-Karla. Quelque chose avait du la déranger. Finalement, elle reprit la parole plus calmement, et avec un ton plus mature.

- Vous vous souvenez que vous ne m'avez pas vraiment créée... Nous n'avons fait que transférer mon âme dans cette colonne... Je ne suis plus vraiment la même, c'est vrai, mais je suis toujours une personne, n'est-ce pas ?

Anastasia fouilla ses souvenirs à la recherche de ces boucles d'oreilles, mais elle n'en trouva aucune trace, pour la simple raison que ces boucles d'oreilles n'avaient jamais existé. La scène lui semblait familière, elle était même plausible dans sa version finale avec le sabre tel qu'elle le connaissait, mais en aucun cas ces boucles d'oreilles n'avaient leur place dans ce tableau.

- Si nous détruisons la colonne, je mourrai aussi, vous le savez... Mais si je vous garde ici, je peux vous faire revivre les meilleurs de vos souvenirs. Restez avec moi et nous serons heureuses toutes les trois...

[Maria-Karla]

Surprise par le changement de ton de la créature, Maria-Karla essaya de répondre en gardant son calme :
"Je regrette, mais c'est impossible. Je ne veux pas me plonger dans un bonheur artificiel pendant qu'à côté, les sœurs complotent et enferment leurs élèves pour te nourrir de leur âme. Si tu es toujours une personne, n'es-tu pas gênée que des innocentes soient spoliées de leur énergie pour te maintenir en vie ? Au fond de toi-même, ne voudrais-tu pas aussi que cela s'arrête, depuis tout ce temps ?"

[Anastasia]

Maria Karla a raison, nous ne sommes pas ici pour celà, mais pour en finir avec cette situation qui n'a que trop duré;

[Le créateur]

La voix devint un peu plus dure :
- Ce monde n'est pas artificiel ! C'est au contraire la réalité même ! Je n'ai rien inventé ici, tout ceci est ce que vous avez vous-mêmes vécu, que cela vous plaise ou non. Pour ce qui est de l'énergie, non seulement, ces "innocentes" en ont plus que nécessaire, mais en plus, elles sont de toute façon amenées à mourir tôt ou tard, nous leur offrons généreusement la possibilité de servir quelque chose de plus, quelque chose qui les transcende. Ne vous apitoyez pas sur elles !

Le monde disparut à nouveau et fut remplacé par l'intérieur de la chapelle. Elle était occupée par toutes les pensionnaires, dont Maria-Karla et Anastasia. Des volutes bleutés volaient dans la pièce alors que toutes les filles répétaient les prières quotidiennes. Au fond de l'allée centrale, la statue de la vierge, le front serti d'un diamant, écartait les bras en signe de clémence et de charité pour les hommes.

- Ces filles ont-elles vraiment l'air malheureuses ?

[Maria-Karla]

"Bien sûr qu'elles n'ont pas l'air malheureuses. Comment pourraient-elles l'être ? Vous les avez privées de leur volonté, vous leur avez fait croire que tout était pour le mieux, pour les faire vénérer une prétendue sainte vierge qui ne pense qu'à protéger son petit monde !"
Maria-Karla essaya de se concentrer, mais en tout cas elle n'avait pas de doute.
"Tu prétends dire la vérité, mais tu t'enfonces un peu plus à chaque mensonge. Nous sommes allées dans la chapelle, nous savons très bien à quoi elle ressemble. Peut-être est-ce toi qui es restée trop longtemps dans cette colonne, au point de ne plus savoir quelle est la réalité ..."
Maria-Karla visualisa la chapelle telle qu'elle la connaissait, comme un lieu sombre et oppressant. Elle voulait faire en sorte que cela remplace l'image qu'elles voyaient, pas vraiment pour agresser la créature de la colonne, plutôt pour lui révéler, à son tour, la vérité ...

[Le créateur]

L'effort que fournissait Maria-Karla était immense, mais peu à peu, elle pût voir le décor changer. La chapelle devint un peu plus sombre et les volutes bleutées tendirent à disparaître, mais à mesure que l'on se rapprochait de la statue de la vierge, l'influence de la "créature" de la colonne devenait plus forte, presque palpable. Maria-Karla ne parvint pas à y effectuer la moindre modification. La voix semblait paniquée :

- Que cherches-tu à faire ? Tu risques de toutes nous tuer ! Si je perds le contrôle, ce n'est pas seulement moi qui vais disparaître, mais toutes les soeurs vont perdre leur lien à moi ! Arrête tout de suite !!!

[Maria-Karla]

Si je perds le contrôle, ce n'est pas seulement moi qui vais disparaître, mais toutes les soeurs vont perdre leur lien à moi !

(C'est le but ... )

"Est-ce que tu as arrêté de m'inonder de faux souvenirs quand je te l'ai demandé ? Et contrairement à toi, ce que je te montre est la vérité !"
Bien loin de s'arrêter, Maria-Karla fit un effort pour ne pas relâcher sa concentration.
"Anastasia, aide-moi !... Montre-lui à quel point ce couvent est loin de ce qu'elle rêve !..."

[Le créateur]

Anastasia se joignit à Maria-Karla pour lutter contre la créature de la colonne. Peu à peu l'influence des deux filles prît le dessus et péniblement elles parvinrent à imposer leur vision à toute la scène excepté à la petite pierre au front de la statue.

- Ca ne... Devait... pas... arriver...

Soudainement, la pierre explosa en mille morceaux, et les deux filles purent sentir l'influence de la créature disparaître. la scène commençait à s'estomper et un mauvais pressentiment envahit Maria-Karla et Anastasia. Le décors finit par disparaître pour laisser place à la colonne de lumière qui avait étrangement perdu tout son éclat. Elle était en train de s'effriter et le sol tremblait.

Entre les deux filles, Déborah tenait une main sur chacune :
- Désolée de vous sortir de là, mais la colonne a arrêté de briller et je crois qu'on a un tremblement de terre qui est arrivé, on doit partir dès maintenant.

Mais Adrien n'était nulle part visible.