Comme je l'avais prévu, quelques jours après ma première rencontre avec Kyle, nos chemins se croisèrent à nouveau. À force d'éclairer leurs villes, de prolonger leurs activités ou d'embrayer sur d'autres, les humains pensent avoir changé la nuit en jour. Ils se trompent. Heureusement, la nuit a encore ses mystères. Même à Paris la "ville lumière", il y a encore des chemins que les profanes évitent, à raison, d'emprunter quand le soleil est absent. J'avais mes propres chemins, qui passaient par les toits de Paris. Avec deux grandes ailes de chauve-souris, je passais facilement d'un immeuble à l'autre, observant au passage ce qui se déroulait en contrebas. Peut-être que le lendemain matin, quelqu'un raconterait avoir vu un vampire sur les toits ... à moins que je le fasse taire avant. Je vis quelqu'un sortir d'un immeuble. Malgré le manque d'éclairage, je reconnus à coup sûr Kyle la Chimère. Il s'éloigna rapidement de l'immeuble en se retournant plusieurs fois, comme si quelque chose le dissuadait de partir. Son inquiétude appela la mienne et je décidai de le suivre. Quelques rues plus tard, je le vis enfourcher une moto ; sans doute l'avait-il garée loin de son but pour éviter que le bruit attire l'attention des riverains. Si c'était le cas, c'était raté, car je vis rapidement des choses bouger dans l'ombre autour de lui, et ces choses n'étaient pas amicales. Il se retourna : il les avait vues lui aussi. Quand les nouveaux venus s'approchèrent et que je pus les distinguer, j'éprouvai une désagréable sensation de déjà-vu. Leur allure rappelait fortement celle des assassins de Hatan, au point que l'espace d'un instant, je me crus revenu dans les années 1930 et je me dis : "Ça y est, le cauchemar recommence." Je secouai vigoureusement la tête en me disant : "Tu es en 1995 et c'est Kyle qui est en danger ce soir, et si tu ne veux pas que l'histoire se répète, tu ferais mieux de bouger !" Je plongeai donc sans hésiter du toit de l'immeuble où je me trouvais. En m'approchant du sol, j'entendis des bribes de conversation entre Kyle et ses agresseurs : "Il est temps de régler ta dette !... - Nissifer ?... C'est impossible ..." J'atterris juste devant Kyle et déployai mes ailes en grand. Je comptais sur la peur pour faire fuir ses agresseurs, comme ma transformation en "oiseau noir horrible" avait déconcerté les assassins de Hatan bien avant. Mais cette fois, je n'avais pas affaire qu'à des humains. La femme qui semblait diriger le groupe n'était pas une humaine mais un Séraphin. Bien que surpris qu'un Nephilim accompagne ces chasseurs d'Immortels, j'essayai de ne pas le montrer en lui lançant : "Si vous voulez le toucher, il faudra d'abord me passer sur le corps ! - Pas de propositions indécentes, Maudit !" répliqua le Séraphin. J'évaluai rapidement mes adversaires. Ils étaient quatre avec le Nephilim. Les trois humains avaient des arcs et des flèches à pointe d'Orichalque ; l'Orichalque ne me ferait pas de mal, mais une flèche bien placée si. Je jugeai cependant que la femme-Séraphin était la plus dangereuse. J'invoquai silencieusement mon Imago ; le nombre de mes bras doubla et des griffes de Lune Noire me poussèrent au bout des doigts. À la vue de mon Anamorphose, les Mystes humains reculèrent d'un pas, et la femme-Séraphin elle-même resta un instant troublée ; si elle savait ce qu'était un Selenim, elle n'avait jamais dû en voir un en action. Je profitai de ce moment d'absence pour me jeter sur elle toutes griffes dehors. Elle parvint à bloquer deux de mes mains, mais les deux autres déchirèrent son manteau de cuir et éraflèrent sa chair. Pas suffisamment pour la blesser gravement mais assez pour la faire reculer. Pendant ce temps, ses équipiers humains venaient de surmonter leur première frayeur et commençaient à bander leurs arcs. Mais Kyle non plus n'était pas resté sans rien faire ; je m'en rendis compte en entendant un puissant bruit de moteur. "Monte si tu peux !" me cria-t-il. Je le pouvais parfaitement et ce fut ce que je fis. Il poussa l'accélérateur à fond et nous fûmes rapidement hors de portée du groupe de Mystes. Notre première véritable conversation eut lieu à ce moment : "Qui es-tu ? - Duncan Blackthorne, Selenim. - Merci pour le coup de main, Duncan. - Le coup de griffe, tu veux dire ? Je t'en prie." Oui, ces quelques mots n'avaient l'air de rien, mais ils devaient marquer le début d'une longue amitié ... 
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